Témoignage de Naïri, pour son baptême,
le dimanche 4 décembre 2016
Mon père, tu me connais mieux que personne.
Tu sais que malgré les apparences, je ne suis pas quelqu’un qui prend la parole en otage, qui parle spontanément. Mais c’est ce que je vais faire aujourd’hui, Seigneur, je vais louer ton nom, je vais glorifier ta grâce, parce que mon Père, tu m’as sauvé. Tu as ancré ta parole en moi, si profondément que je décide de te donner ma vie aujourd’hui, de te faire maître de mon existence, de chanter, de louer, de célébrer ta grâce tous les jours, jusqu’au dernier…
Mon père, si je suis prêt à dire ce genre de chose, à faire ce genre de chose, c’est bien parce que j’ai foi en toi, c’est bien parce que tu es venu me chercher dans l’obscurité dans laquelle j’errais… Tu t’es montré à moi, alors que mon esprit hésitant, mon esprit sceptique ne voulait pas voir l’évidence… Seigneur, j’ai été bien loin de ta parole, et même si maintenant je ne cesse de comprendre que tu as toujours été là, il fut un temps où je ne croyais plus en rien, où je ne voulais plus croire en rien…
Je venais de perdre mon père, qui est parti jeune, je ne comprenais pas pourquoi le monde continuait de tourner alors que le mien s’était vraisemblablement arrêté. Les jours qui ont suivi ont progressivement installé une ambiance qui était loin du seul chagrin, et du recueillement. Cela a dévasté ma mère, et pesé longuement sur moi et mes sœurs. On me disait qu’il fallait être fort, qu’il fallait tenir bon. On me disait aussi que j’étais maintenant l’homme de la maison…
Seigneur, j’ai tellement détesté ces phrases toutes faites, j’ai tellement haï ces batailles acharnées où l’on accusait à-tout- va, où l’on cherchait un coupable… J’aurai tellement voulu être ailleurs, mon père, j’aurai tellement voulu simplement pleurer et avoir du chagrin… Mais tout ce que l’on avait dit à ce gamin de dix-sept que j’étais, tous ces faux conseils commençaient à s’imprimer dans mon crâne, et peu à peu, je me suis mis à penser qu’il valait mieux arrêter d’être faible, peu à peu, j’ai remis mon deuil à plus tard, et peu à peu, je ne pleurais plus, peu à peu, je n’y pensais même plus… Il y avait d’autres choses plus importantes sur lesquelles veiller, j’avais encore le cœur d’une maman à protéger, et le sourire de mes petites sœurs à ramener… Et pour faire cela, il me fallait me mettre de côté, il fallait me déconnecter de moi-même, et c’est ce que j’ai fait…
Ma famille était devenue le seul prisme par lequel passaient toutes mes émotions. Seigneur, je ne savais pas à ce moment-là, que je ne parviendrai plus à redevenir simplement le frère ou le fils que j’étais, je ne savais pas que je ne réussirais plus terminer le deuil de mon père…
Si j’avais été un gamin sensible et timide, j’étais devenu arrogant, colérique, parfois agressif… Je me suis mis à détester celui que j’ai pu être, celui qui a passé trop de temps à ne pas connaitre son propre père… J’ai perdu mon temps, j’ai perdu des amis… Et je me suis perdu tout simplement… Et j’ai culpabilisé, pendant longtemps… Et avec le temps, je n’étais plus qu’une ombre, je me ratais sans arrêt dans mes études, mon monde devenait de plus en plus vide, et je ne cherchais même plus à sortir… Ma seule joie se trouvait encore dans ma famille, je n’avais tellement plus rien qu’elle était la seule chose qui importait, mais ça aussi, ça me passait à côté… Quand on se donne sans le comprendre le rôle de veiller sur sa famille, on s’en écarte un peu forcément, et donc on n’est plus vraiment le fils, ni le frère… Je m’étais sans le vouloir exclu de toute la joie qui pouvait toucher ma famille.
Et puis, mon Père, vient la solitude. Une solitude extrême, où l’on perd espoir chaque jour, où la vie aussi oisive soit-elle devient pénible, où plus aucun mot n’arrive à nous redonner le sourire. Mais je ne pouvais même pas être dépressif, tout du moins je ne pouvais pas le montrer, trop habitué que j’étais à paraître parfaitement en forme et de bonne humeur pour ma famille… Mais à l’intérieur, le vide. Plus personne n’était capable de me parler, ou plutôt je n’étais plus capable d’écouter…, Pas même l’homme le plus intéressant du monde, pas même la plus jolie fille de la terre, pas même ma propre mère, rien n’attirait mon attention, rien n’atteignait mon cœur que j’avais isolé depuis trop longtemps… Il n’en faut pas beaucoup plus pour se laisser imaginer le pire, mais je savais ce que signifiait perdre quelqu’un de proche, et ç’aurait été trop égoïste. Voilà, mon père, Je vivais, sans vivre vraiment.
Et puis un jour, il y a pratiquement un an, j’ai eu la chance de me faire inviter au culte de Noël dans cette même Église. Je n’en croyais pas mes yeux, des gens qui célébraient simplement, mais avec passion, la naissance de leur sauveur, je ne suis pas resté indifférent… mais j’ai pris ces gens pour des fous et suis retourné dans ma solitude. Quelques mois plus tard, je suis retourné dans une église protestante et seigneur, j’ai retrouvé cette passion, cette simplicité de la louange, cette spontanéité, cette joie… Et enfin, j’ai rencontré cette personne, cette personne qui n’a fait que se défendre face à mes assauts répétés contre sa foi, mais cette personne aussi qui a ébranlé tout ce que je savais à ton sujet, et même ce que je croyais savoir sur moi. Alors, Seigneur, je m’étais égaré tellement loin, que je me suis demandé pourquoi je n’irais pas à l’Église encore une fois.
Qu’est-ce que j’avais à perdre après tout ?
Et le jour où j’y suis retourné, j’ai reçu une prophétie, et après la première phrase, j’étais en larmes. Ce même jour devant le poids de l’évidence, je me suis repenti. J’ai senti tout le poids de mes épaules s’envoler, je me suis surpris à sourire sincèrement, sans raison.
Tu as comme redonné des couleurs à ma vie.
Mon père, tu me connais mieux que personne.
Tu as placé sur mon chemin les hommes et les femmes qui ont su me guider jusqu’à toi, tu as placé dans leurs paroles les graines qui allaient germer plus tard en moi. Et depuis ma repentance, j’ai déjà été tellement de fois témoin de ton amour, j’ai déjà eu tellement de preuves, mon père… J’ai cette chance absolument incroyable de t’avoir trouvé sans t’avoir vraiment cherché, parce que tu le vois sans doute, je n’ai pas encore beaucoup ouvert ma Bible, je n’ai pas la connaissance de ta parole, Seigneur, mais j’ai expérimenté ta grâce, ton pardon, et par- dessus tout, ton amour. Merci encore d’être venu me chercher alors que je m’étais égaré si loin du troupeau, Que ta lumière bénisse toutes les personnes présentes ici ce matin, mon Dieu, Que ton nom soit loué ici et partout dans le monde, Amen.